Une fois de plus j’ai ouvert mon blog à ma super amie qui reste dans l’ombre mais dont les écrits ne peuvent qu’être partagés. Là dernière fois elle se confiait sur les gens autour d’elle qui ne comprenaient pas son choix de ne pas connaitre le sexe de son enfant à naître, aujourd’hui elle écrit une lettre à sa fille, du même âge que Mistoulette.
Ma Chérie,
Du haut de tes 12 ans, tu m’as posée des questions auxquelles j’ai sans doute fort mal répondu. Je te fais cette lettre pour essayer de reprendre- à tête reposée- notre conversation là où nous l’avons laissée.
Quel chagrin pour moi que de t’imaginer, seule, prise par la colère, la tristesse, le dégoût, en train de pleurer dans ton lit, ne trouvant pas le sommeil. Un soir où tu n’étais pas à la maison. Un soir où je ne pouvais t’accompagner dans ta découverte de « ces gens-là ».
Pourquoi ne t’en ai-je jamais parlé auparavant ? Par oubli. Non. Par pudeur sans doute, par lâcheté surement.
Tu as vécu sans te douter de l’existence de « ces gens-là », nous ne t’y avions pas préparé.
Alors reprenons :
Oui ils sont nombreux, et oui ils y en a beaucoup.
Oui tu en connais, tu en fréquentes depuis toujours, sans le savoir. Oui, même chez les profs, les médecins, les copains. Oui Chérie, partout.
Oui, ils sont « comme ça » et il n’y a rien à faire.
Oui, ils ont, eux aussi, le droit d’adopter. Et non, je n’aurai pas dû te dire « hélas » quand tu m’as posée la question.
Oui ils sont malades. Une vrai maladie, un handicap sévère, celui du cœur.
Alors oui, ma fille, même si je t’avais préservée de ce monde-là, je dois te l’avouer, les homophobes existent. Et oui, encore une fois, tu as raison « phobe » c’est pour dire qu’on a peur. Et oui, le terme est mal choisi. Je ne crois pas qu’au fond ils aient peur. Enfin je ne sais pas.
Tes larmes de colère, même si elles me peinent, m’émeuvent. Toi si heureuse d’assister à ce mariage de deux êtres que tu affectionnes et dont le lien amoureux t’attendrie, tu ne pouvais concevoir ce que tu as entendu dans la bouche de « ces gens- là ». Comment aurai-je pu te dire que certains jugent un couple parce qu’il est formé de 2 garçons ? Toi qui as grandi sans ne jamais t’interroger sur les couples, pluriels, qui t’entourent.
Oui, « ces gens-là » salissent l’amour. « Ces gens-là » au nom de leur morale refusent d’admettre que ce couple que tu as le bonheur de marier puisse en avoir le droit. Et oui, ils s’opposent aussi à l’idée qu’ils adoptent un enfant. Sans les connaitre. Ni eux ni le foyer qu’ils forment. Pourquoi ? Je n’en sais rien Chérie. Parce qu’une famille c’est un papa et une maman. Oui je sais, toi tu as un papa, une maman, un beau papa et une belle maman et tu nous aimes tous. Tu sais, la famille recomposée ce n’est pas génial non plus pour « ces gens-là », mais moins pire que les homos. Oui, il y a aussi une hiérarchie dans le « pas bien ». Ça te fait marrer ça comme idée. Que tu es jolie quand tu ris.
Non, je ne peux pas t’expliquer ce qui les « choque ». En vérité ma fille, je ne le sais pas. Tu rosis d’un coup… pas facile de répéter à ta mère ce que tu as entendu… ce que tu as cru comprendre. Alors je t’aide, en te disant que rien n’est sale dans l’amour. Et alors tu rougis, tu avais donc bien compris.
Alors…alors « ces gens-là », à leur corps défendant nous ont fait un cadeau ma Chérie. Un cadeau qu’ils détesteraient. Une autre marche dans le « pas bien ». Tu as 12 ans et je me suis entendue t’expliquer que la sexualité, ce n’est pas que la pénétration, quelle qu’elle soit. Que c’est aussi la tendresse, les caresses, les baisers partout, le toucher, le goût, l’odorat, l’ouïe. Que réduire le plaisir à la mécanique c’est une vision triste et étriquée de la chose. Qu’il y a mille mondes à découvrir, sans jugement, sans autre limite que le consentement. Le sien et celui de l’autre. Tu avais beau être toute rouge, tu as posé quelques questions, approuvé ce que je disais. Tu n’as pas formulé certaines de tes interrogations et j’ai respecté tes pudeurs de toute jeune fille.
Tu sais quoi ? Au final « ces gens-là » nous ont permis d’avoir notre première conversation de « femmes ». Tu n’as que 12 ans ma Douce. Tu as déjà 12 ans et je te souhaite de continuer à toujours aimer, sans aucun jugement, tes amis et ce qu’ils construisent. Tu ne savais pas que l’homophobie existait « à ce point »comme tu l’as si bien dit. Ne l’ignore pas, mais ne pleure plus à cause d’elle.
Tu as 12 ans et déjà, tu es plus belle, plus généreuse et infiniment plus libre que « ces gens-là ».